Clotilde Mélisse est écrivaine. Elle pratique l’autofiction, le terrorisme, le baiser de la sorcière et ses recherches en laboratoire. Dans les deux aventures présentées ici, elle est confrontée à sa responsabilité d’auteur. Responsabilité non pas face à ses lecteurs, mais face à ses personnages. Ainsi Charlie revient avec ses exigences, Anaïs lui reproche son statut de démiurge ; migraine et serrements de cœur.
Commandées par France Culture, ces deux pièces ont été réalisées par Alexandre Plank en 2009 et 2010. Dans le diptyque radiophonique, Clotilde Mélisse a la voix d’Anouk Grinberg.
Chloé Delaume est écrivain et performeuse. Elle est l’auteur d’une quinzaine d’ouvrages dont récemment, Dans ma maison sous terre (Seuil, collection Fiction & Cie, 2009), et Éden matin midi et soir (Joca Seria, 2009).
Commandées par France Culture, ces deux pièces ont été réalisées par Alexandre Plank en 2009 et 2010. Dans le diptyque radiophonique, Clotilde Mélisse a la voix d’Anouk Grinberg.
Chloé Delaume est écrivain et performeuse. Elle est l’auteur d’une quinzaine d’ouvrages dont récemment, Dans ma maison sous terre (Seuil, collection Fiction & Cie, 2009), et Éden matin midi et soir (Joca Seria, 2009).
Presse
Le Matricule des anges, mai 2009
ÉDEN MATIN MIDI ET SOIR
DE CHLOÉ DELAUME
Écrit pour une pièce de théâtre créée en mars dernier, ce monologue déroule l’écriture la plus fluide que Chloé Delaume n’ait jamais donnée et se lit comme une nouvelle ou un récit. Celle qui parle a 28 ans, est jolie si l’on en croit ce que lui disent les infirmières. Elle est arrivée aux urgences d’un hôpital après sa sept ou huitième tentative de suicide. Elle attend le psychiatre ou qu’on vienne s’occuper d’elle, elle n’attend rien en fait de celui qui viendra, excepté s’il s’appelle la mort. Adèle s’appelle Trousseau et ça tombe bien : elle porte dans son corps plus d’une voix qui s’interposent entre elle et l’extérieur dans des discussions et des disputes sans fin. D’où un grand silence et l’oubli définitif qu’elle souhaite. Elle a réuni ses voix en elle et elles ont voté la mort : « Je me suis longuement concerté et dedans on était d’accord, toutes d’accord, pour une fois. La mort et qu’on n’en parle plus. » Ultime monologue donc, d’une « thanatopathe » selon le néologisme qu’elle invente pour dire ce dont elle souffre : la maladie de la mort.
Exposé ainsi on craindrait un texte tuant, désespérant et morbide. Il n’en est rien. On rit plus d’une fois sans se départir d’une vraie sympathie. Adèle évoque les voix qui l’habitent et qu’on entend, fomente un discours pour échapper à la psychiatrie, évoque les suicides les plus propres, parle des hommes qui l’ont fuie (o C’est incroyable ce que le couiiidé peut avoir comme instinct de survie. »). Elle évoque sa mort avec l’évidence des magazines féminins (o Les nihilistes, c’est très mignon, ça porte le tweed comme personne. »). Mais on n’est pas dupe : cet humour-là est une ultime élégance. Adèle, double de Chloé (qui elle compte une douzaine de T.S.), livre aux autres ce qui la tue, comme en une autopsie pré-mortem, précise et claire. Et puis, rideau !
T. G.
ÉDEN MATIN MIDI ET SOIR
DE CHLOÉ DELAUME
Écrit pour une pièce de théâtre créée en mars dernier, ce monologue déroule l’écriture la plus fluide que Chloé Delaume n’ait jamais donnée et se lit comme une nouvelle ou un récit. Celle qui parle a 28 ans, est jolie si l’on en croit ce que lui disent les infirmières. Elle est arrivée aux urgences d’un hôpital après sa sept ou huitième tentative de suicide. Elle attend le psychiatre ou qu’on vienne s’occuper d’elle, elle n’attend rien en fait de celui qui viendra, excepté s’il s’appelle la mort. Adèle s’appelle Trousseau et ça tombe bien : elle porte dans son corps plus d’une voix qui s’interposent entre elle et l’extérieur dans des discussions et des disputes sans fin. D’où un grand silence et l’oubli définitif qu’elle souhaite. Elle a réuni ses voix en elle et elles ont voté la mort : « Je me suis longuement concerté et dedans on était d’accord, toutes d’accord, pour une fois. La mort et qu’on n’en parle plus. » Ultime monologue donc, d’une « thanatopathe » selon le néologisme qu’elle invente pour dire ce dont elle souffre : la maladie de la mort.
Exposé ainsi on craindrait un texte tuant, désespérant et morbide. Il n’en est rien. On rit plus d’une fois sans se départir d’une vraie sympathie. Adèle évoque les voix qui l’habitent et qu’on entend, fomente un discours pour échapper à la psychiatrie, évoque les suicides les plus propres, parle des hommes qui l’ont fuie (o C’est incroyable ce que le couiiidé peut avoir comme instinct de survie. »). Elle évoque sa mort avec l’évidence des magazines féminins (o Les nihilistes, c’est très mignon, ça porte le tweed comme personne. »). Mais on n’est pas dupe : cet humour-là est une ultime élégance. Adèle, double de Chloé (qui elle compte une douzaine de T.S.), livre aux autres ce qui la tue, comme en une autopsie pré-mortem, précise et claire. Et puis, rideau !
T. G.
CCP
Cahier critique de poésie
mars 2011
LÉTITIA MOUZE
Dans ces deux pièces radiophoniques qui composent un diptyque, l'auteur se livre à l'autofiction en mettant en scène un double d'elle-même, une femme écrivain en panne d'inspiration et aux prises avec deux de ses personnages. Ces deux intrigues d'amour et de mort sont construites en miroir. Le personnage qui croyait acquérir une certaine autonomie en exigeant de n'être plus la figure secondaire d'un ancien roman raté mais le héros tragique du prochain, doit subir le sort décidé par l'écrivain. L'autre personnage, héroïne du récit en cours d'abord à la merci de sa créatrice avec laquelle elle vit une histoire d'amour, s'émancipe en décidant elle-même de la fin. Ces deux aventures où l'on trouve les ingrédients du récit classique mais renouvelés par la mise en abîme de l'acte d'écrire sont en même temps une réflexion sur la création littéraire : émaillées de sentences sur la littérature et la vie, elles suggèrent que l'écriture est elle-même une histoire d'amour et de mort.
Cahier critique de poésie
mars 2011
LÉTITIA MOUZE
Dans ces deux pièces radiophoniques qui composent un diptyque, l'auteur se livre à l'autofiction en mettant en scène un double d'elle-même, une femme écrivain en panne d'inspiration et aux prises avec deux de ses personnages. Ces deux intrigues d'amour et de mort sont construites en miroir. Le personnage qui croyait acquérir une certaine autonomie en exigeant de n'être plus la figure secondaire d'un ancien roman raté mais le héros tragique du prochain, doit subir le sort décidé par l'écrivain. L'autre personnage, héroïne du récit en cours d'abord à la merci de sa créatrice avec laquelle elle vit une histoire d'amour, s'émancipe en décidant elle-même de la fin. Ces deux aventures où l'on trouve les ingrédients du récit classique mais renouvelés par la mise en abîme de l'acte d'écrire sont en même temps une réflexion sur la création littéraire : émaillées de sentences sur la littérature et la vie, elles suggèrent que l'écriture est elle-même une histoire d'amour et de mort.
Presse :
S’il-te-plaît, desinne-moi en héros
Chloé Delaume s’amuse avec deux pieces radiophoniques sur la création littéraire.
AU COMMENCEMENT ÉTAIT L’ADVERBE, de Chloé Delaume
« Je peux être le héros de votre prochain roman. » Pour un auteur en panne, harcelé par son éditeur, une telle déclaration peut être le rêve. Ou le cauchemar : quand elle émane de quelque part sous votre crâne, alors que vous êtes, en plus, l’objet d’un suivi psychiatrique, quand c’est un homme alors que vous êtes connue pour ne traiter que des personnages féminins, et quand c’est, un personnage secondaire du plus mauvais de vos romans. Au point où elle en est, Clotilde Mélisse n’a pas le choix. Elle va tenter de faire de l’obscur Charlie, qui n’a qu’un prénom et qui a conduit au suicide l’héroïne d’un de ses précédents romans, un héros, en lui offrant une mort qui l’éternisera : « Sans mort, on n’est pas un héros. » II va être servi. Là s’installe un dialogue entre auteur et personnage, véritable « psychose pirandellienne ». Mais le texte va plus loin que la verve du dialogue ne le laisse paraître, et met à distance avec humour les clichés sur l’autonomie des personages qui parsèment bien des entretiens d’écrivains. Chloé Delaume propose une réflexion ironique sur le personnage, son rôle pivot dans la constitution de la fiction, et l’espèce d’extériorité complexe qu’il acquiert en gagnant de la densité. De « tu ne ressens rien tant que je ne lai pas écrit »à « je suis devenu quelqu’un », le duel créateur-créature s’organise en longues et brillantes passes d’armes pour Je plus grand plaisir du lecteur, conquis à ce jeu léger et profond. Et à la fin, c’est la littérature qui gagne.
ALAIN NICOLAS
L’HUMANITÉ. JEUDI 6 MAI 2010
Éditons Joca Seria
112 pages 12 euros
S’il-te-plaît, desinne-moi en héros
Chloé Delaume s’amuse avec deux pieces radiophoniques sur la création littéraire.
AU COMMENCEMENT ÉTAIT L’ADVERBE, de Chloé Delaume
« Je peux être le héros de votre prochain roman. » Pour un auteur en panne, harcelé par son éditeur, une telle déclaration peut être le rêve. Ou le cauchemar : quand elle émane de quelque part sous votre crâne, alors que vous êtes, en plus, l’objet d’un suivi psychiatrique, quand c’est un homme alors que vous êtes connue pour ne traiter que des personnages féminins, et quand c’est, un personnage secondaire du plus mauvais de vos romans. Au point où elle en est, Clotilde Mélisse n’a pas le choix. Elle va tenter de faire de l’obscur Charlie, qui n’a qu’un prénom et qui a conduit au suicide l’héroïne d’un de ses précédents romans, un héros, en lui offrant une mort qui l’éternisera : « Sans mort, on n’est pas un héros. » II va être servi. Là s’installe un dialogue entre auteur et personnage, véritable « psychose pirandellienne ». Mais le texte va plus loin que la verve du dialogue ne le laisse paraître, et met à distance avec humour les clichés sur l’autonomie des personages qui parsèment bien des entretiens d’écrivains. Chloé Delaume propose une réflexion ironique sur le personnage, son rôle pivot dans la constitution de la fiction, et l’espèce d’extériorité complexe qu’il acquiert en gagnant de la densité. De « tu ne ressens rien tant que je ne lai pas écrit »à « je suis devenu quelqu’un », le duel créateur-créature s’organise en longues et brillantes passes d’armes pour Je plus grand plaisir du lecteur, conquis à ce jeu léger et profond. Et à la fin, c’est la littérature qui gagne.
ALAIN NICOLAS
L’HUMANITÉ. JEUDI 6 MAI 2010
Éditons Joca Seria
112 pages 12 euros